Histoire de branchages sur fonds de mythes anciens et d’épidémie nouvelle
Dans le charmant village de Sauxillanges, niché au cœur de l’Auvergne, il est un festival1, en juillet, qui chaque année attire les amoureux de la laine, du fait main, et des traditions ancestrales. Cette année, le Festival de la Laine a vu naître deux étranges créatures qui ont captivé l’imaginaire de tous : un homme à tête d’ours et un petit être à tête de singe, chacun façonné avec soin dans des branchages entrelacés.
Le chant des branches et des rêves
Ces figures semblaient sorties de la forêt, de la campagne ou des arbres avoisinants. L’homme à tête d’ours, imposant et mystérieux, dans sa cape de feutre gris, semblait fort, peut-être même dangereux et en même temps apprivoisé. On ne savait si c’était l’un de nous reparti à l’état sauvage ou un ours désapprivoisé, sans maître, déambulant au gré de sa fantaisie. Le petit homme à tête de singe, était plus espiègle et agile, sautillant en agitant des bras des mains et des yeux. Était-il un lutin des forêts accompagnant ou un esprit murmurant aux oreilles de l’ours…
Un voyage entre les mondes
Leur présence au festival semblait une invitation à renouer avec la nature, au-delà des brebis et béliers, présents, mais connus et en grande partie prévisibles, au-delà des animaux domestiques, à écouter le mouvement libre du règne animal sauvage, et des branches le symbolisant. Créatures éphémères, le temps d’un festival, inquiétant les petits, divertissant les passants, entrainant les moins timorés dans leur cavalcade, au son du tambourin, d’une mélodie envoutante et du chant de la flûte, avec un mélange d’admiration et de nostalgie pour ces temps où la vie était plus proche de la nature, où notre curiosité du monde nous transportait sur cinq continents à travers divers règnes, à la recherche de connaissances étranges, proches ou lointaines…
D’autres de ces êtres hybrides étaient présents, l’hiver dernier, lors du festival de la laine de Montbrun-Bocage. Ces derniers étaient couverts de feutre afin de résister aux rigueurs du froid descendant des montagnes2.
La peur en filigrane
Mais quand est-il vraiment ? Et si leur présence, sans vouloir semer la peur, n’était-elle pas l’annonce cataclysmique d’une nouvelle épidémie, mpox, fièvre catarrhale, hémorragie épizootique ?… Si l’être simiesque n’était là qu’en préfiguration d’une variole du même ordre ? D’ailleurs les couleurs et textures singulières relevées sur les habitations de Sauxillanges ne sont-elles pas les symptômes précurseurs de lésions cutanées ? Du bleu, de l’orange, du vert, du grumeleux, des encadrés, … comme autant de signaux alarmants d’une normalité biaisée, transformant par petites touches, l’environnement banal du blanc, beige, gris…
Ode à la créativité humaine
Non ! Je ne peux pas croire que ces créatures soient là pour annoncer une quelconque épidémie. Ni même entacher par une couleur la santé d’une maison ! La couleur, et j’en sais quelque chose, caresse nos âmes et nos corps, apportant avec elle des murmures de bien-être. Chaque couleur, en touches délicates, agit subtilement sur nos humeurs et nos émotions, stimulant tout au long des heures et des jours de contact et de reflet, notre santé.
Ces entrelacs de branches, ces masques, ces hommes à tête bestiale, leurs gestuelles dandinantes, réveillent en nous un inconscient collectif, des mémoires enfouies, des récits oubliés, à la recherche de l’harmonie avec la nature qui nous entoure. Ils nous rappellent que, dans ce monde actuel, il est encore possible de s’émerveiller, de croire aux histoires que nous tissons avec la laine, les branches, et les rêves.
Au Festival de la Laine de Sauxillanges, l’homme à tête d’ours et le petit homme à tête de singe bondissent et gambadent dans mon souvenir au rythme d’un week-end humide d’Auvergne, porteurs de nouvelles légendes à écrire. Il faut simplement lâcher prise et se laisser guider dans une équipée où l’art, la nature et le mystère se rencontrent pour un instant de bonheur et de magie.
- Festival de la Laine à Sauxillanges (63) du 19-21 juillet 2024 ↩︎
- Retour sur Montbrun-Bocage (31) – 21 janvier 2024 ↩︎